Les obligations des employeurs en matière de formation et reconversion des salariés : un enjeu stratégique

Le monde du travail connaît des mutations profondes, rendant la formation et la reconversion des salariés indispensables. Les employeurs ont un rôle crucial à jouer dans ce domaine, avec des obligations légales précises. Cet enjeu stratégique vise à maintenir l’employabilité des travailleurs et la compétitivité des entreprises. Quelles sont ces obligations ? Comment les mettre en œuvre efficacement ? Quels sont les dispositifs existants ? Plongeons dans les détails de ce sujet complexe mais fondamental pour l’avenir du travail.

Le cadre légal des obligations de formation

Le Code du travail définit plusieurs obligations pour les employeurs en matière de formation professionnelle. L’employeur a le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi. Cette obligation s’inscrit dans le cadre plus large de l’obligation de sécurité de l’employeur.

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a renforcé ces obligations. Elle prévoit notamment :

  • L’obligation de réaliser un entretien professionnel tous les deux ans
  • La mise en place d’un plan de développement des compétences
  • La contribution obligatoire au financement de la formation professionnelle

Les accords de branche peuvent également prévoir des dispositions spécifiques en matière de formation. Il est donc essentiel pour les employeurs de bien connaître les textes applicables à leur secteur d’activité.

En cas de non-respect de ces obligations, l’employeur s’expose à des sanctions financières et peut voir sa responsabilité engagée en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.

Focus sur l’entretien professionnel

L’entretien professionnel est un moment clé dans le parcours du salarié. Il doit être réalisé tous les deux ans et aborder les perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d’emploi. C’est l’occasion de faire le point sur les compétences acquises et celles à développer.

Tous les six ans, cet entretien prend la forme d’un bilan du parcours professionnel du salarié. L’employeur doit vérifier que le salarié a bien bénéficié des entretiens professionnels prévus et d’au moins une action de formation non obligatoire.

Le plan de développement des compétences : un outil stratégique

Le plan de développement des compétences remplace l’ancien plan de formation. Il regroupe l’ensemble des actions de formation mises en place par l’employeur pour ses salariés. Ce plan doit être élaboré en tenant compte des objectifs stratégiques de l’entreprise et des besoins individuels des salariés.

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L’élaboration du plan de développement des compétences comprend plusieurs étapes :

  • L’identification des besoins en compétences de l’entreprise
  • L’analyse des compétences existantes au sein des équipes
  • La définition des actions de formation à mettre en place
  • La planification et le budgétisation des actions
  • Le suivi et l’évaluation des formations réalisées

Le plan de développement des compétences doit être présenté au Comité Social et Économique (CSE) pour consultation. Cette présentation est l’occasion d’un dialogue social sur les orientations de la formation dans l’entreprise.

Les différents types d’actions de formation

Le plan de développement des compétences peut inclure différents types d’actions :

Les formations obligatoires : ce sont celles imposées par la loi ou la réglementation. Elles doivent être réalisées sur le temps de travail et rémunérées comme tel.

Les formations non obligatoires : elles visent à développer les compétences des salariés au-delà des exigences légales. Elles peuvent, sous certaines conditions, être réalisées en tout ou partie hors du temps de travail.

Les actions de formation en situation de travail (AFEST) : cette modalité permet de former les salariés directement sur leur poste de travail, en alternant des phases de mise en situation et des phases réflexives.

Le financement de la formation professionnelle

Les employeurs ont l’obligation de contribuer au financement de la formation professionnelle. Cette contribution est calculée sur la masse salariale et varie selon la taille de l’entreprise :

  • 0,55% pour les entreprises de moins de 11 salariés
  • 1% pour les entreprises de 11 salariés et plus

Cette contribution est versée à un Opérateur de Compétences (OPCO) qui mutualise les fonds et finance les actions de formation. Les OPCO peuvent également accompagner les entreprises dans la définition de leurs besoins en formation et la mise en œuvre de leurs plans de développement des compétences.

Au-delà de cette contribution obligatoire, les employeurs peuvent choisir d’investir davantage dans la formation de leurs salariés. Cet investissement peut être vu comme un levier de performance et de fidélisation des talents.

Les dispositifs de financement complémentaires

Plusieurs dispositifs permettent de compléter le financement des actions de formation :

Le Compte Personnel de Formation (CPF) : alimenté en euros, il permet au salarié de financer des formations certifiantes. L’employeur peut abonder le CPF du salarié pour financer des formations plus coûteuses.

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Le FNE-Formation : ce dispositif d’État permet de financer des actions de formation pour les entreprises en difficulté économique.

Les fonds européens : certains programmes européens comme le FSE (Fonds Social Européen) peuvent cofinancer des actions de formation.

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)

La GPEC est une démarche d’anticipation qui permet à l’entreprise d’adapter ses ressources humaines aux évolutions de son environnement économique et technologique. Elle est obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés, mais peut être mise en place volontairement par les plus petites structures.

La GPEC comprend plusieurs étapes :

  • L’analyse des métiers et des compétences actuelles de l’entreprise
  • L’identification des évolutions prévisibles du marché et des technologies
  • La définition des compétences nécessaires à moyen et long terme
  • L’élaboration d’un plan d’action pour combler les écarts

La formation et la reconversion des salariés sont des leviers essentiels de la GPEC. Elles permettent d’adapter les compétences des salariés aux besoins futurs de l’entreprise, évitant ainsi des licenciements économiques.

Le rôle des partenaires sociaux

La mise en place d’une GPEC doit faire l’objet d’une négociation avec les organisations syndicales. Cette négociation porte sur :

Les modalités d’information et de consultation du CSE sur la stratégie de l’entreprise et ses effets prévisibles sur l’emploi et les salaires

La mise en place d’un dispositif de GPEC et les mesures d’accompagnement associées (formation, VAE, bilan de compétences…)

Les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise

Les enjeux de la reconversion professionnelle

La reconversion professionnelle est un défi majeur dans un contexte de mutations économiques et technologiques rapides. Les employeurs ont un rôle clé à jouer pour faciliter ces transitions professionnelles, que ce soit en interne ou vers l’extérieur de l’entreprise.

Plusieurs dispositifs existent pour accompagner les reconversions :

Le projet de transition professionnelle (ancien CIF) : il permet au salarié de s’absenter de son poste pour suivre une formation certifiante en vue d’une reconversion.

La Pro-A : ce dispositif de reconversion ou promotion par l’alternance permet aux salariés de niveau bac+2 maximum de se former pour changer de métier ou de profession.

Le conseil en évolution professionnelle (CEP) : c’est un service gratuit d’accompagnement personnalisé pour tous les actifs, salariés comme demandeurs d’emploi.

L’employeur peut jouer un rôle proactif en proposant des parcours de reconversion en interne, en lien avec les besoins futurs de l’entreprise identifiés dans la GPEC. Cela peut passer par des formations longues, des périodes de mise en situation sur d’autres postes, ou encore du mentorat.

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Le cas particulier des licenciements économiques

En cas de licenciement économique, l’employeur a des obligations renforcées en matière de formation et de reconversion. Il doit notamment mettre en place un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) pour les entreprises de plus de 50 salariés procédant à un licenciement collectif.

Le PSE doit prévoir des mesures de reclassement interne, mais aussi des actions de formation et d’aide à la reconversion externe. Ces mesures peuvent inclure :

  • Des bilans de compétences
  • Des formations de reconversion
  • Une aide à la création d’entreprise
  • Un accompagnement dans la recherche d’emploi

L’employeur peut également proposer un Contrat de Sécurisation Professionnelle (CSP) aux salariés licenciés. Ce dispositif, d’une durée maximale de 12 mois, permet au salarié de bénéficier d’un accompagnement renforcé et d’actions de formation pour faciliter son retour à l’emploi.

Vers une culture de l’apprentissage continu

Au-delà des obligations légales, les employeurs ont tout intérêt à développer une véritable culture de l’apprentissage continu au sein de leur organisation. Cette approche permet non seulement de répondre aux exigences réglementaires, mais aussi d’améliorer la performance et l’attractivité de l’entreprise.

Plusieurs leviers peuvent être actionnés pour favoriser cette culture :

La valorisation de l’apprentissage : en reconnaissant et en récompensant les efforts de formation et de développement des compétences des salariés.

La diversification des modalités d’apprentissage : en proposant un mix de formations présentielles, e-learning, coaching, mentorat, etc.

L’encouragement à l’auto-formation : en mettant à disposition des ressources (bibliothèque, abonnements à des plateformes de formation en ligne) et en accordant du temps pour l’apprentissage autonome.

La création d’espaces d’échange : en organisant des retours d’expérience, des communautés de pratiques, des ateliers de partage de connaissances.

Cette culture de l’apprentissage continu doit être portée par la direction et relayée par les managers de proximité. Elle nécessite une communication claire sur les enjeux de la formation et une implication de tous les acteurs de l’entreprise.

Le rôle clé des managers

Les managers jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre concrète des politiques de formation et de reconversion. Ils sont en première ligne pour :

  • Identifier les besoins en compétences de leur équipe
  • Encourager les salariés à se former et à évoluer
  • Faciliter la mise en pratique des nouvelles compétences acquises
  • Évaluer l’impact des formations sur la performance individuelle et collective

Il est donc crucial de former les managers à ces aspects de leur rôle et de les outiller pour qu’ils puissent accompagner efficacement le développement des compétences de leurs équipes.

En définitive, les obligations des employeurs en matière de formation et de reconversion des salariés sont nombreuses et complexes. Elles nécessitent une approche stratégique et une implication de tous les acteurs de l’entreprise. Au-delà du simple respect de la loi, une politique de formation ambitieuse est un levier de performance et d’adaptation aux mutations du monde du travail. En investissant dans le capital humain, les entreprises se donnent les moyens de relever les défis de demain et de créer de la valeur durable pour toutes les parties prenantes.