
La diversité au travail représente un enjeu majeur pour les entreprises françaises. Face aux inégalités persistantes, le législateur a progressivement renforcé les obligations des employeurs en matière de non-discrimination et de promotion de la diversité. De l’embauche à l’évolution professionnelle, en passant par la rémunération et les conditions de travail, les entreprises doivent désormais mettre en place des actions concrètes pour favoriser l’inclusion de tous les talents, quelles que soient leurs différences. Cet encadrement juridique vise à faire de la diversité un véritable levier de performance sociale et économique.
Le cadre légal de la non-discrimination
Le droit français interdit toute forme de discrimination dans l’emploi sur la base de critères protégés comme l’origine, le sexe, l’âge, le handicap ou l’orientation sexuelle. L’article L1132-1 du Code du travail liste 25 critères de discrimination prohibés. Les employeurs ont l’obligation de respecter ce principe de non-discrimination à toutes les étapes de la relation de travail :
- Recrutement et accès à l’emploi
- Déroulement de carrière et évolution professionnelle
- Rémunération et avantages sociaux
- Formation
- Rupture du contrat de travail
En cas de litige, c’est à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les sanctions encourues sont lourdes, avec des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende pour les personnes physiques.
Au-delà de cette obligation générale de non-discrimination, la loi impose des mesures spécifiques en faveur de certains publics comme les travailleurs handicapés ou les seniors. Par exemple, les entreprises de plus de 20 salariés doivent employer au moins 6% de travailleurs handicapés dans leur effectif.
Le cadre légal ne se limite pas à interdire les discriminations. Il incite aussi les employeurs à promouvoir activement la diversité, notamment via la négociation collective. Les entreprises de plus de 300 salariés ont ainsi l’obligation de négocier tous les 3 ans sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail.
Les actions obligatoires en faveur de l’égalité femmes-hommes
L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes fait l’objet d’obligations renforcées pour les employeurs. Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés doivent calculer et publier chaque année leur Index de l’égalité professionnelle. Cet index sur 100 points évalue la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise selon 5 critères :
- Écart de rémunération
- Écart dans les augmentations individuelles
- Écart dans les promotions
- Augmentations au retour de congé maternité
- Parité parmi les 10 plus hautes rémunérations
Les entreprises n’atteignant pas 75 points doivent mettre en place des mesures correctives sous peine de sanctions financières. Elles disposent de 3 ans pour atteindre ce seuil minimal.
Par ailleurs, les entreprises de plus de 50 salariés ont l’obligation de négocier un accord ou d’élaborer un plan d’action sur l’égalité professionnelle. Ce plan doit fixer des objectifs de progression et des actions concrètes dans des domaines comme la formation, la promotion professionnelle ou l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Concernant les écarts de rémunération, la loi impose désormais aux entreprises de plus de 50 salariés de publier chaque année des indicateurs sur les écarts de salaire entre les femmes et les hommes. En cas d’écarts injustifiés, l’employeur doit prévoir des mesures de rattrapage salarial.
L’obligation d’emploi des travailleurs handicapés
Les entreprises de 20 salariés et plus sont soumises à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH). Elles doivent employer des personnes en situation de handicap dans une proportion de 6% de leur effectif total. Pour remplir cette obligation, les employeurs disposent de plusieurs options :
- L’emploi direct de travailleurs handicapés
- L’accueil de stagiaires en situation de handicap
- La sous-traitance auprès du secteur protégé et adapté
- L’accueil de personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel
Les entreprises qui ne respectent pas ce quota de 6% doivent verser une contribution financière à l’AGEFIPH (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées). Le montant de cette contribution varie selon la taille de l’entreprise et les efforts réalisés.
Au-delà du respect du quota, les employeurs ont une obligation d’aménagement raisonnable des postes de travail pour les salariés reconnus travailleurs handicapés. Ils doivent prendre les mesures appropriées pour permettre à ces salariés d’accéder à un emploi, de le conserver et d’y progresser.
Les entreprises de plus de 250 salariés doivent également désigner un référent handicap chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap.
La promotion de la diversité des âges
Face au vieillissement de la population active, le législateur a mis en place des obligations spécifiques pour favoriser l’emploi des seniors et la coopération intergénérationnelle. Les entreprises de plus de 300 salariés doivent négocier un accord ou élaborer un plan d’action relatif à la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP). Ce dispositif doit notamment prévoir des mesures en faveur de l’emploi des salariés âgés.
Parmi les actions obligatoires figurent :
- L’amélioration des conditions de travail et la prévention de la pénibilité
- L’anticipation des évolutions professionnelles et la gestion des âges
- Le développement des compétences et des qualifications
- L’aménagement des fins de carrière
- La transmission des savoirs et des compétences
Les entreprises doivent également mettre en place l’entretien professionnel pour tous les salariés tous les deux ans. Cet entretien vise à faire le point sur les perspectives d’évolution professionnelle du salarié et ses besoins en formation.
Concernant les jeunes, les entreprises de plus de 300 salariés ont l’obligation d’avoir un nombre de salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation au moins égal à 5% de leur effectif. En deçà de ce seuil, elles doivent verser une contribution supplémentaire à l’apprentissage.
Les obligations de formation et de sensibilisation
Pour ancrer la culture de la diversité dans les pratiques quotidiennes, le législateur a instauré des obligations de formation et de sensibilisation. Les entreprises de plus de 300 salariés doivent ainsi former leurs salariés chargés des missions de recrutement aux enjeux de la non-discrimination au moins une fois tous les 5 ans.
Cette formation doit porter sur :
- Le cadre juridique de la non-discrimination
- Les stéréotypes, les préjugés et les biais décisionnels
- Les bonnes pratiques en matière de recrutement inclusif
Par ailleurs, les entreprises ont l’obligation d’informer leurs salariés sur la législation relative à la lutte contre les discriminations. Cette information peut prendre la forme d’affichages, de communications internes ou de sessions de sensibilisation.
Les représentants du personnel jouent également un rôle clé dans la promotion de la diversité. Ils doivent être formés à la non-discrimination et à l’égalité professionnelle lors de leur premier mandat. Le comité social et économique (CSE) dispose de prérogatives étendues en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité des chances.
Vers une approche globale de la diversité en entreprise
Au-delà du respect des obligations légales, de plus en plus d’entreprises adoptent une démarche volontariste en faveur de la diversité. Cette approche globale vise à faire de la diversité un véritable levier de performance et d’innovation.
Parmi les actions mises en place par les entreprises pionnières :
- La signature de la Charte de la diversité
- L’obtention du Label Diversité délivré par l’AFNOR
- La nomination d’un Directeur ou d’une Directrice de la Diversité et de l’Inclusion
- La mise en place de réseaux internes dédiés à la promotion de la diversité
- Le développement du mentorat et du parrainage pour favoriser l’inclusion
Ces démarches volontaires permettent d’aller au-delà des seules obligations légales pour construire une culture d’entreprise réellement inclusive. Elles s’accompagnent souvent d’objectifs chiffrés en matière de diversité, suivis via des indicateurs précis.
L’enjeu pour les entreprises est désormais de passer d’une approche défensive centrée sur le respect des obligations légales à une approche offensive faisant de la diversité un atout stratégique. Cela implique de repenser en profondeur les processus RH, le management et la culture d’entreprise pour valoriser pleinement tous les talents dans leur diversité.
Si le cadre légal a permis des avancées significatives, beaucoup reste à faire pour construire des organisations réellement inclusives. L’engagement de la direction, la formation de l’ensemble des collaborateurs et la mise en place d’actions concrètes au quotidien sont indispensables pour faire de la diversité une réalité dans l’entreprise.